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GROUPE D'ETUDE DE LA CERAMIQUE ANTIQUE EN GAULE G.E.C.A.G.
Colloque de Lyon-Vienne, 24, 25, 26 mars 1972

Depuis de nombreuses années, un des thèmes préférentiels des travaux du G.E.C.A.G. était la céramique gallo-romaine précoce, ce qui a amené notre président, le Professeur J.J. Hatt à choisir comme lieux de colloque Argenton-sur-Creuse, puis Mâcon et en 1972 Vienne et Lyon. Argenton-sur-Creuse nous a reçus en 1970, et nous y avons vu les séquences stratigraphiques des fouilles de Saint-Marcel dirigées par le Docteur Allain, dont certaines concernent directement la période qui nous intéresse En 1971, nous nous sommes réunis à Mâcon où le Docteur Barthélémy nous a présenté ses dernières découvertes dont l'ensemble est sans doute un peu plus ancien que les périodes représentées par les fouilles d'Argenton, et offre aussi des différences dues à l'interprétation régionale d'une évolution générale commune.

Vienne et Lyon ont été choisies en 1972 car elles se complètent admirablement pour illustrer la période susdite. Lyon apporte depuis 1966 deux éléments très importants avec la découverte des ateliers de Loyasse et de La Muette. Vienne, à quelques kilomètres seulement de Lyon, présente « une ambiance céramique» assez différente, et des séquences chronologiques intéressantes avec les stratigraphies des fouilles de A. Pelletier et de S. Tourrenc. Il convient d'ajouter que le regroupement du matériel des fouilles viennoises de l'époque considérée a permis d'isoler une production sans doute locale d'imitation des formes du Service 1 et surtout du Service II.

Le programme de ces trois journées comprenait :

- Méthode :

- Premiers ateliers imitant les modèles arétins : J. Lasfargues : Loyasse et La Muette à Lyon.

-Création des grandes officines gauloises de sigillée :

-Transformation de la céramique indigène sous l'influence italique:

- Commercialisation de la céramique au premier siècle :

Ce compte rendu ne donne pas le détail de chacune de ces communications, l'analyse ayant déjà paru, j'essayerai seulement de dégager quelques-unes des directions de recherche qui paraissent les plus fécondes et les conclusions qui apportent les éléments les plus neufs.

Un des problèmes abordés par C. Goudineau est celui de la fin de l'arétine, ou plutôt des ateliers classiques d'Arezzo. La théorie admise communément explique ce déclin par des raisons d'ordre technique: baisse de la qualité, et occupation du marché par des productions gauloises de meilleure facture. Ce raisonnement est infiniment trop schématique et partiellement inexact. Il convient de chercher les raisons du déclin arétin dans des phénomènes d'ordre économique, comme la rentabilité, ou dans un changement du goût de la clientèle italienne. Le développement d'industries concurrentes comme celle du verre serait entre autre motivé par ce changement de goût.

En ce qui concerne les problèmes très complexes des influences de l'Italie sur la sigillée gauloise, on peut actuellement dégager deux étapes. La première étape montre que dans tous les ateliers où l'on a imité les productions arétines, on peut déceler une phase préalable d'imitation de campanienne, soit dans l'atelier même, soit dans la région. C'est le cas pour Bram, pour Loyasse, pour La Graufesenque et pour Lezoux. L'exemple le plus caractéristique est fourni par les découvertes récentes de La Graufesenque où les productions de campanienne et de sigillée se suivent et coexistent même pendant une très courte période.

La deuxième étape est celle, mieux connue, de l'apparition des imitations des productions d'Arezzo à vernis rouge. Deux phénomènes sont étonnants dans l'apparition de ces imitations: La date d'abord : Bram et Loyasse travaillent sans doute auto de 30 av. J.C. et peut-être avant pour Bram.

La technique ensuite; d'emblée, ces deux ateliers utilisent de~ argiles calcaires comme les potiers d'Italie centrale, alors qu'on s'attendrait à voir d'abord utiliser les argiles généralement non calcaires des productions de La Tène.

Ces deux phénomènes s'expliquent plus facilement si l'on admet que cette influence d'Arezzo s'est exercée sur un terrain préparé par des influences étrusco-campaniennes antérieures.

Il est clair que les relations entre ces ateliers gaulois et ceux du centre italien ont été de nature assez différente. Loyasse et Bram sont des ateliers d'imitation, qui ont eu cependant une diffusion surprenante : Bram assez largement dans la moitié Sud de la Gaule, Loyasse en Suisse et en Belgique. En revanche La Muette est une succursale au sens propre du terme et sa dépendance par rapport à Arezzo se manifeste entre autre par l'achat de moules à la maison mère.

Dans les nouvelles directions de recherche, il me paraît important de souligner celle des parois minces lisses ou décorées (ACO). Ces productions sont toujours présentes dans les phases initiales d'activité des ateliers gaulois, mais on doit noter qu'elles sont bien souvent d'un niveau technique plus évolué que les imitations de campanienne ou de sigillée. Ces fabrications ont-elles joué un rôle pilote? Il faudra maintenant étudier leur évolution non seulement en elle-même, mais en comparaison avec celle de la sigillée. Remarquons au passage que le problème de l'origine de ces parois minces est bien loin d'être éclairci.

En ce qui concerne la typologie des formes de sigillée augustéenne gauloise, les découvertes les plus récentes n'ont pas apporté d'éléments bien nouveaux. Aux Services I et II classiques, il faut seulement ajouter quelques-uns des types archaïques des productions arétines, comparables à ceux que C. Goudineau a répertoriés à Bolsena dans les couches les plus anciennes.

La chronologie des ateliers a, elle, considérablement évolué. Les plus anciens fonctionnent, comme nous l'avons souligné plus haut, autour des années 30 av. J.C., peut-être légèrement avant. La Muette est en pleine période de production en 17 av. J.C. La Graufesenque fabrique de la sigillée au début de notre ère, mais les fabrications de campanienne ont commencé plus tôt. Quant ,à Lezoux, il produit dès le début du règne de Tibère, mais un ou plusieurs ateliers ont imité des campaniennes sous Auguste, peut-être à Clermont-Ferrand. Lezoux est d'ailleurs un cas assez spécial, puisque, dans cette période tibérienne initiale, on ne peut parler d'un atelier, mais d'un groupe d'une dizaine de petits centres répartis dans la vallée de l'Allier, organisation qui préfigure celle de la grande période du second siècle.

Il reste un très gros travail à faire pour répertorier les formes et les estampilles, et fixer les critères qui permettront de différencier les différentes productions. Mais il ne faut pas se faire trop d'illusions: il sera toujours bien difficile de faire la différence entre un rebord d'assiette du Service II fabriqué à La Muette et la même forme fabriquée dans un autre atelier si on ne possède pas l'estampille. Et même dans ce cas il ne sera pas toujours facile de trancher. Ce qui me conduit à évoquer l'importance des analyses physico-chimiques et celle des travaux du laboratoire que dirige M. Picon. Celui-ci a donné à son travail une double orientation: la première, l'étude des techniques mises en œuvre dans la fabrication de ces céramiques (choix des argiles, mode et température de cuisson, vernis et engobes) a mis en évidence la façon dont une technique étrangère s'est implantée dans un milieu indigène préexistant. Les conclusions, particulièrement importantes, ont permis de passer à la deuxième, « l'application», c'est-à-dire la recherche des éléments qui différencient les productions d'un atelier à l'autre. Le dosage de certains éléments permet maintenant d'attribuer à telle ou telle officine un tesson de sigillée (dans la mesure où, bien sûr, elle est fouillée, et nous savons que certains ateliers, en Italie et dans le Sud- Ouest de la Gaule n'ont pas encore été découverts) ; mais malheureuse- ment, par manque de personnel et de matériel, le laboratoire arrive à saturation. Quand pourra-t-on entamer l'analyse systématique de la masse des timbres de « forma aretina » qui serait si riche d'enseignements ? Pour ne citer qu'un exemple, le travail déjà réalisé sur ATEIUS a permis d'isoler 7 timbres utilisés à La Muette, alors qu'on n'en avait trouvé aucun au cours des fouilles.

Cette pénurie de moyens d'analyse nous amène à évoquer les graves problèmes de publication qui paralysent la diffusion et par conséquent la comparaison des résultats de nos travaux. Les discussions, publiques ou privées ont évoqué entre autre, la possibilité de création d'une « banque de données », les problèmes de méthode de travail, etc. Ces questions ont été à l'ordre du jour du colloque 1973 qui vient de se tenir à Vienne et qui a représenté un tournant décisif pour notre association.

J. LASFARGUES, 18 avril 1973 à Lyon